Dans un contexte de constantes évolutions législatives et jurisprudentielles, le droit des successions connaît lui aussi des bouleversements notables. L’objectif de cet article est d’examiner l’influence de la jurisprudence récente sur cette branche du droit civil, et plus précisément d’éclairer les praticiens et les justiciables sur les modifications apportées à la manière dont sont organisées et réglées les successions.
1. La réserve héréditaire : une notion en mutation ?
L’un des principes fondamentaux du droit français des successions est celui de la réserve héréditaire, qui garantit à certaines catégories d’héritiers (descendants et ascendants) une part minimale dans la succession du défunt. Cependant, plusieurs décisions récentes de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) ont mis en lumière une possible remise en cause de ce principe.
En effet, dans ses arrêts Kolosovski c. Russie (2017) et Pellegri c. Italie (2018), la CEDH a jugé que le principe de réserve héréditaire pouvait constituer une ingérence disproportionnée dans le droit au respect des biens, garanti par l’article 1er du Protocole n°1 à la Convention européenne des droits de l’homme. Ces décisions pourraient avoir un impact sur le droit français en incitant le législateur à revoir les mécanismes de la réserve héréditaire, afin de mieux concilier la protection des héritiers réservataires et la liberté testamentaire.
2. La prise en compte accrue des volontés du défunt
La jurisprudence récente montre également une tendance à une meilleure prise en compte des volontés du défunt dans le règlement de sa succession. Ainsi, plusieurs décisions ont contribué à assouplir les conditions de validité et d’efficacité des testaments olographes, qui constituent un moyen privilégié pour exprimer ses dernières volontés.
Par exemple, dans un arrêt du 13 septembre 2017, la Cour de cassation a jugé que l’absence d’indication précise de la date dans un testament olographe n’était pas nécessairement fatale à sa validité, dès lors que d’autres éléments permettaient d’établir avec certitude que le testateur avait bien exprimé ses volontés au moment de la rédaction.
3. L’influence croissante du droit international privé
Avec la mondialisation et l’augmentation des successions internationales, le droit international privé joue un rôle toujours plus important dans le règlement des successions. Le Règlement européen n°650/2012, dit « Règlement Successions », en est l’un des exemples les plus marquants.
Entré en vigueur le 17 août 2015, ce règlement a pour objectif de simplifier et d’uniformiser les règles applicables aux successions internationales au sein de l’Union européenne (à l’exception du Royaume-Uni, de l’Irlande et du Danemark). Il introduit notamment la notion de compétence universelle des autorités et juridictions de l’État membre dont relève la succession, ainsi que le principe d’unicité de la loi applicable, désignée selon le critère de la résidence habituelle du défunt.
4. La protection renforcée des héritiers vulnérables
Enfin, les évolutions jurisprudentielles récentes ont également permis une meilleure prise en compte des intérêts des héritiers les plus vulnérables, tels que les mineurs ou les majeurs protégés.
Par exemple, dans un arrêt du 1er décembre 2017, la Cour de cassation a confirmé que les fonds issus d’une succession dévolue à un mineur étaient insaisissables par ses créanciers jusqu’à sa majorité. De même, dans un arrêt du 20 septembre 2017, elle a jugé qu’un testament souscrit par une personne sous sauvegarde de justice était nul, dès lors que cette mesure avait été prononcée avant la rédaction du testament et non levée au moment du décès.
Toutes ces évolutions jurisprudentielles contribuent à façonner le droit des successions et à adapter ses règles aux réalités sociales, économiques et culturelles contemporaines. Aussi, il est primordial pour les praticiens et les justiciables de se tenir informés de ces changements afin de sécuriser au mieux leurs démarches successorales.
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